Durant la semaine du 7 au 11 avril 2025, Carel Pedre, à travers son émission « Carel in the Morning » diffusée sur Chokarella, a accueilli, comme à son habitude, plusieurs invité·e·s aux profils variés. Du parcours atypique d’un jeune patineur à la mémoire militante d’un congrès féministe, en passant par une démarche artistique ancrée dans le vodou ou encore le retour d’une militante capoise, chaque matinée a mis en lumière des trajectoires individuelles étroitement liées aux réalités sociales du pays. Une pause a marqué le jeudi 10 avril, sans émission diffusée ce jour-là. Retour sur une semaine d’échanges rythmée par la mémoire, l’engagement et les résistances du quotidien.
Lundi 7 avril : Olwith Lindor, un parcours sans ligne droite
La semaine a débuté avec la voix d’Olwith Lindor. Jeune patineur originaire de Carrefour, commune située dans le département de l’Ouest, Lindor est aujourd’hui membre de la troupe internationale « Disney On Ice ». À travers ses mots, c’est le cheminement d’un jeune homme qui n’a pas suivi les trajectoires attendues qui s’est dessiné.
Il raconte avoir effectué toute sa scolarité à Carrefour, puis s’être inscrit à Canado, un centre de formation professionnelle où il a étudié le réseau informatique pendant un an et 6 mois. L’université, elle, n’a jamais vraiment été une option. « Je n’ai jamais voulu aller à l’université à la fin de mes études classiques. À un moment donné, j’ai fermé mon dossier parce que j’étais à court d’argent », a-t-il confié. Face aux contraintes économiques, Lindor s’est tourné vers l’Académie de police haïtienne. Il réussit les tests d’admission, mais le processus est suspendu. « Ils ont déclaré que nous sommes maintenant des aspirants policiers, rentrez chez nous et nous aurons à subir un test sanguin lorsqu’ils nous appelleront », se rappelle-t-il.
Ces expériences, faites d’attentes prolongées, de projets freinés ou réorientés, ont nourri une réflexion plus large sur la discipline personnelle, le rôle de l’éducation, et la manière dont il espère pouvoir inspirer ou contribuer, un jour, à la jeunesse haïtienne.

Mardi 8 avril : Bayyinah Bello, entre mémoire historique et enjeux actuels
Le lendemain, le studio de « Carel in the Morning » a reçu l’historienne Bayyinah Bello. Elle est venue présenter la commémoration des 75 ans du premier Congrès des Femmes en Haïti, prévue du 10 au 12 avril 2025 sur le campus Henry Christophe à Limonade, dans le Nord du pays. Un événement organisé notamment par la Fondation Félicité et plusieurs autres structures féministes haïtiennes.
Ce congrès, organisé initialement en 1950 sous la présidence de Dumarsais Estimé, avait réuni plusieurs figures majeures de la cause féminine, comme Lucienne Heurtelou ou Madeleine Sylvain. « Le congrès s’est tenu à une époque où il y avait beaucoup de luttes pour faire respecter les droits des femmes », a rappelé Bayyinah Bello. L’événement avait permis de débattre de l’éducation des enfants, de la condition des femmes vivant en dehors de Port-au-Prince, et des voies de promotion sociale pour bâtir une nation plus juste.
Cette édition 2025 s’annonce comme un espace de dialogue intergénérationnel et politique. Parmi les intervenantes annoncées figurent, entre autres, Angie Bell, Michelle Duvivier Pierre-Louis, Danielle Saint-Lot, Dieudonne Luma Étienne et Stephanie Sophie Louis. Toutes viendront échanger sur les avancées, les défis actuels et les visions à long terme d’un féminisme haïtien ancré dans l’histoire nationale.

Mercredi 9 avril : Riva Nyri Précil, entre musique et spiritualité
Le mercredi, l’artiste haïtienne Riva Nyri Précil a pris la parole au micro de Carel Pedre pour présenter son nouvel album « Enkantasyon », sorti le 28 mars 2025. Connue depuis ses débuts dans Bohio Music et la sortie de son album Perle de culture en 2015, Riva Nyri a fait évoluer son travail artistique en lien étroit avec la spiritualité vodou.
Lors de l’entretien, elle a expliqué le sens qu’elle donne à ce projet musical. L’album, selon ses propres mots, s’inscrit dans une exploration du vodou comme tradition spirituelle, mais aussi comme matrice culturelle. Elle a détaillé son processus de création, les symboles présents dans ses chansons, et le choix de la couleur rouge pour la couverture, qu’elle associe à des éléments précis de sa démarche. Elle a également mentionné les collaborations qui ont marqué cet album, notamment avec les artistes Steves J. Bryan et Yohann Doré.
Riva Nyri Précil organise également des rassemblements artistiques où la pratique du vodou est vécue et présentée dans un cadre qu’elle souhaite ouvert, loin des stéréotypes ou des jugements. Ces espaces, selon elle, favorisent la transmission culturelle à travers la performance, la parole et la musique.

Vendredi 11 avril : Angie Bell, un retour vers le Cap-Haïtien
La semaine s’est achevée avec Angie Bell, autrice, entrepreneure et militante de retour au Cap-Haïtien après plusieurs années passées aux États-Unis. « Haïti est ma passion », a-t-elle affirmé en évoquant les raisons de ce retour. Installée de nouveau dans la ville du Nord, elle s’investit dans différents secteurs, notamment l’éducation, la culture et la gestion des déchets.
L’entretien a permis de revenir sur les circonstances de son départ en 2004, à la suite du coup d’État qui l’avait contrainte à fuir le pays. Sa maison avait été détruite dans un incendie. Elle trouve refuge aux États-Unis, où elle poursuit sa vie jusqu’à ce qu’un nouvel enchaînement de difficultés la pousse à revoir ses priorités. En 2019, elle perd son emploi, puis vient la pandémie de COVID-19. C’est dans ce contexte qu’elle décide de rentrer, mue par un sentiment de responsabilité envers sa ville natale et son entourage.
À travers son témoignage, Angie Bell a souligné la complexité des liens qui unissent les Haïtien·ne·s de la diaspora à leur pays d’origine. Son engagement au Cap-Haïtien se manifeste par des actions concrètes, en lien avec les besoins locaux, sans rupture avec sa trajectoire passée.

Pour ne rien manquer des prochaines conversations et découvrir d’autres parcours tout aussi marquants, continuez à suivre « Carel in the Morning » sur Chokarella. Toutes les émissions de la semaine sont disponibles en replay sur notre application mobile.
Par Ravensley Boisrond, éditeur en chef de Chokarella