À l’occasion de la Journée internationale du théâtre, le 27 mars 2025, la compagnie haïtienne “Les Ateliers Encriture” a organisé la projection de la captation de son spectacle intitulé « Quand le corps demande justice à Port-au-Prince », dans les locaux de la Bibliothèque Michèle Tardieu, à Pétion-Ville. Il s’agissait d’une première pour la troupe, qui a voulu marquer cette journée par un moment de réflexion et de partage.
Cette projection a rassemblé une cinquantaine de personnes et a donné lieu à une série de causeries-débats entre les artistes et le public. Parmi les participants figuraient le metteur en scène Ronald Vital, les comédiennes et danseuse Bergemithe Macajoux, Roberta André, Guy Emmanuel Germain, Fabiola Agenis (danseuse), Bradley Joseph, ainsi que le réalisateur Lucmann François de Ekla TV.
Le projet se veut une réponse artistique à la crise sécuritaire actuelle en Haïti. À travers cette création, la compagnie entend « lancer un cri d’alarme face aux représailles des groupes armés dans le pays », selon les mots du directeur artistique Yves Marie Gustave. Il précise : « Je faisais référence à ces enfants qui ne peuvent pas aller à l’école à cause de la violence siégée à Haïti durant des années. Ce projet continue d’être un cri, le cri du peuple ! Le cri de ceux et celles pourchassées dans leur maison et qui deviennent SDF ».

Pour lui, le théâtre est un outil de combat. Il évoque une discipline qui « sert des peuples qui souffrent, qui dansent, qui chantent et se résignent ». Une deuxième projection de la captation est prévue le samedi 26 avril 2025. Par ailleurs, en mai, Les Ateliers Encriture compte lancer un atelier de formation à la composition de chants traditionnels destiné à une quinzaine de jeunes filles. Yves Marie Gustave explique : « Se Les Ateliers Encriture ki konpoze tout chante l ap itilize yo anndan kreyasyon atistik li yo ». Il s’agira de chansons qui appellent « à la révolte, à l’espoir, à l’amour et à la justice sociale ».
Une compagnie née d’un atelier de poésie
La création de la compagnie remonte à 2020. L’idée est née au sein du Club de lecture de la Bibliothèque Monique Calixte (BMC), à l’issue d’un atelier de poésie animé par le poète Bonel Auguste, auquel avait participé Yves Marie Gustave. Avec Marckender Jean et Sabatini Marcelin, ils fondent Les Ateliers Encriture. Cinq ans plus tard, la troupe multiplie les projets artistiques, tout en mettant l’accent sur la culture haïtienne et la transmission de valeurs liées au civisme et au développement durable.
Le théâtre est leur principal levier. À travers spectacles, formations et performances littéraires, la compagnie cherche à promouvoir la poésie et les autres formes d’expression artistique. Yves Marie Gustave insiste sur le rôle du théâtre comme espace d’éducation civique, de sensibilisation communautaire et de mémoire collective. Elle organise régulièrement des ateliers de poésie, de lecture-performance, d’écriture dramaturgique, romanesque ou encore de scénario.

Cependant, l’engagement culturel de la compagnie se heurte à des obstacles matériels. « Nos activités sont majoritairement payantes, parce que nous n’avons pas de sponsors stables. Nous avons des amis, des gens qui croient dans nos propositions de projets. Ces personnes nous soutiennent parfois sous forme de dons », précise Yves. Parmi les soutiens ponctuels, on retrouve l’Institut Français en Haïti (IFH), les Jeunes Influenceurs, le Centre Culturel Pyepoudre, le Salon du Livre de Port-au-Prince, le Centre Pen-Gonaïves, le Festival de Littérature Contemporaine Haïtienne (PAWOLI), la Bibliothèque Michèle Tardieu ou encore le Cinéma Nous.
Un espace ouvert aux jeunes de 13 à 28 ans
Les Ateliers Encriture accueille des jeunes de 13 à 28 ans, qu’ils soient écoliers, étudiants ou passionnés des arts de la scène. « C’est un espace ouvert aux jeunes qui désirent explorer les multiples facettes de l’expression artistique en particulier, les filles et les femmes », insiste Yves Marie Gustave. Pour intégrer la compagnie, plusieurs critères sont requis : avoir entre 13 et 28 ans, participer activement aux activités proposées, manifester une passion pour les arts de la scène, envoyer une lettre de demande d’intégration, être disponible et transmettre deux photos représentatives de l’univers de la troupe.

Dès sa fondation, Les Ateliers Encriture a mis en place des activités publiques. Le 31 janvier 2020, la compagnie présentait sa première lecture-scénique et causerie autour du texte « L’Autre » d’Andrée Chedid dans les locaux de la Fondation Connaissance et Liberté (FOKAL), en hommage aux victimes du séisme du 12 janvier 2010. Un premier acte pour une compagnie qui engage le corps et l’esprit dans une démarche de création portée par des questions de justice et de mémoire.
Par Gerole Midy © Chokarella
Photo de couverture : Carlin Trezil