Dr Bertrhude Albert, cofondatrice de l’organisation P4H Global basée au Cap-Haïtien, est docteure en éducation et communication agricole. Elle milite pour l’intégration de la diaspora haïtienne dans les activités du pays et la réforme du système éducatif haïtien. Invitée de Carel Pedre ce lundi 10 février 2025 à l’émission ‘Carel in The Morning’, elle est revenue sur son parcours et les défis qu’elle a relevés.
À l’âge de huit ans, elle a émigré définitivement aux États-Unis avec sa famille, mais a toujours gardé Haïti dans son cœur, malgré la distance. En 2010, après le séisme dévastateur, elle est retournée dans le pays. « Quand j’ai retourné en Haïti, je suis tombée amoureuse du pays », affirme-t-elle.
Avant ce voyage, sa mère s’opposait à son retour, estimant qu’elle n’avait plus de lien avec Haïti, allant jusqu’à confisquer son passeport. Cependant, son père, le pasteur Isaac Albert, vivant alors au Cap-Haïtien, l’a soutenue pleinement. « Il m’a hébergée et partagé toutes ses ressources avec moi, même son réseautage », souligne-t-elle.
Étudiante en anglais à l’université de Floride, Bertrhude souhaitait enseigner cette langue en Haïti. Ne maîtrisant pas le créole à son arrivée, elle a étudié cette langue à son université en Floride pour surmonter cette barrière linguistique.
Ce voyage a marqué un tournant dans sa vie. Elle a partagé son amour pour Haïti avec sa meilleure amie, Prescilla Zelaya, qui lui a proposé : « Unissons-nous pour aider Haïti. » En discutant de cette idée, plusieurs autres personnes ont exprimé le désir de découvrir le pays. « Les autres étudiants dans l’université m’ont dit que si j’irais en Haïti en 2011 ils viendront avec moi », se souvient-elle.
En 2011, Bertrhude a organisé un voyage avec ses camarades, apportant vêtements et nourriture pour les habitants. Après cette action, une personne l’a approchée pour lui expliquer que de nombreux missionnaires avaient déjà fait de même sans résoudre les problèmes persistants. « La personne en question me confie que les Haïtiens ont besoin d’être formés pour transformer leur environnement », a-t-elle poursuivi.
Changeant de perspective, elle a cofondé avec Zelaya l’organisation Project For Haiti, dédiée à la formation des habitants, notamment des enseignants, à travers des ateliers visant à améliorer le système éducatif haïtien. De 2012 à aujourd’hui, plus de 300 000 élèves et 100 000 professeurs ont bénéficié du programme dans les dix départements du pays.
Suite à ce succès, P4H a organisé un concours national intitulé “Pwona” (Pwofesè nasyonal) pour honorer les enseignants haïtiens. En collaboration avec la Fondation Digicel, elle a octroyé 1 000 dollars à dix professeurs, chacun issu d’un département différent. « Il y a plusieurs personnes qui m’ont soutenu lors de la réalisation de ce concours, dont Jean Jean Roosevelt », clame-t-elle.
En 2022, grâce à ce projet, Bertrhude et Zelaya ont été récompensées du prix UNESCO-Hamdan à Paris, distinguant l’excellence en développement des enseignants. Après avoir accepté le prix, l’éducatrice a prononcé un discours poignant à l’UNESCO : « Permettez-moi de vous ramener en 1804, quand Haïti est devenu la première république noire libre au monde. Contre toute attente, nos ancêtres ont gagné la révolution haïtienne en abolissant l’esclavage à jamais. Aujourd’hui, nous prenons part à une autre révolution haïtienne. Cette fois-ci, nous ne nous battons pas pour briser les chaînes qui lient nos mains et nos pieds, mais plutôt les chaînes qui lient nos esprits et nous interdisent de nous développer. À la fin de notre bataille, comme nos ancêtres, nous serons victorieux, non pas avec des armes et des machettes dans nos mains, mais plutôt avec des livres et des stylos. »
En plus de ses activités principales à travers P4H, Dr Bertrhude intervient dans diverses situations pour aider le pays. En 2021, après le séisme dévastateur du 14 août qui a secoué le Grand Sud, notamment le département des Nippes, P4H a lancé une campagne de réponse au tremblement de terre pour soutenir les enseignants et leurs familles.
En 2023, elle s’est engagée dans le projet de construction d’un canal initié par les Haïtiens, en réponse aux multiples canaux déjà construits par les Dominicains sur la même rivière. Elle a collecté environ 300 000 dollars auprès de la diaspora haïtienne via son organisation pour acheter les matériaux nécessaires. À un moment donné, elle a dû demander aux donateurs de cesser d’envoyer de l’argent afin de gérer les fonds déjà reçus. En 2024, elle a inauguré le canal de Ouanaminthe et un pont au Cap-Haïtien, construits grâce aux contributions de la diaspora. Les habitants du Cap-Haïtien l’ont nommée ambassadrice de la ville en lui remettant la clé, symbole de leur collaboration.
Regardez l’interview complète de Carel Pedre avec le docteure Bertrhude Albert sur la chaîne YouTube de Chokarella ci-dessous
Par Youbens Cupidon © Chokarella
