Stéphanie Sophie Louis, une voix engagée pour l’avenir d’Haïti

Stéphanie Sophie Louis incarne une jeunesse haïtienne engagée, refusant de rester spectatrice face aux difficultés du pays. Militante, formatrice et animatrice de l’émission Édu-Politik, elle s’investit dans l’éveil de la conscience citoyenne et la transmission du savoir. Son engagement repose sur une conviction : « Nous avons vécu le pire, nous avons donc l’obligation d’offrir le meilleur », affirme-t-elle lors d’une interview avec Chokarella.

Tout d’abord, Stéphanie est née à Port-au-Prince, mais elle a grandi à Lascahobas, où elle s’est distinguée par son parcours scolaire. Ensuite, son engagement a débuté à l’âge de 12 ans au sein du mouvement scout, une expérience qui lui a inculqué le sens du civisme et du service communautaire.

« On m’a appris à aimer mon pays, à servir sans attendre en retour. Chaque jour, je devais faire de bonnes actions, au point que je changeais de foulard toutes les deux semaines, tellement j’en faisais », raconte-t-elle.

Ainsi, cette implication dans le scoutisme a marqué le début d’un militantisme qu’elle a poursuivi tout au long de son parcours.

En 2017, elle a quitté Lascahobas pour Port-au-Prince afin de poursuivre ses études. Dès la terminale, elle a fondé un club de débat, cherchant à créer un espace d’échange et de réflexion. Bien qu’initialement orientée vers la médecine, elle a intégré l’Université d’État d’Haïti avant de se tourner vers les sciences politiques à l’Université Quisqueya, où elle a obtenu une bourse après un concours.

Par ailleurs, en s’impliquant dans sa communauté, Stéphanie a pris conscience des défaillances du leadership politique.

« J’ai vu que les professeurs, les directeurs d’école, des gens respectables et compétents, n’osaient pas s’impliquer dans la politique. Pendant ce temps, on racontait que le député et le maire de Lascahobas n’avaient même pas terminé leurs études classiques. Comment en sommes-nous arrivés là ? », s’interroge-t-elle.

De ce fait, elle s’est interrogée sur le manque de renouvellement de la classe politique.

« La classe politique en Haïti est la même depuis 30 ou 40 ans. Ce sont les mêmes visages depuis Duvalier. On ne peut pas continuer à essayer avec une équipe qui n’a jamais gagné », souligne-t-elle.

Dès lors, elle insiste sur le potentiel de la jeunesse, qui représente 54 % de la population, et appelle à une prise de conscience collective.

Face à ces constats, Stéphanie a lancé Édu-Dimanche, un podcast sur la politique haïtienne, qui a évolué rapidement en une émission plus structurée : Édu-Politik.

« Comment demander à un peuple d’être souverain s’il ne comprend pas les enjeux ? Le pays a été dirigé, mais jamais administré ni géré. On a un problème de société parce qu’il n’y a pas de citoyens avisés », explique-t-elle, regrettant un système qui, selon elle, n’a jamais permis aux Haïtiens d’être véritablement acteurs de leur destin.

Dans cette perspective, elle utilise les médias comme outils de sensibilisation et de formation, notamment à travers le Gouvernement Jeunesse, qu’elle préside, et JERH (Jeunesse Engagée pour la Renaissance d’Haïti), où elle coordonne des formations pour de futurs leaders politiques.

Cependant, malgré sa détermination, Stéphanie doit faire face à de nombreux obstacles.

« Les opportunités sont limitées. On exige des jeunes une expérience qu’ils n’ont pas, les masters sont rares, sinon à l’étranger, et, à cause des troubles, un étudiant de 23 ans n’a souvent même pas terminé sa licence », déplore-t-elle, consciente des nombreux freins qui entravent l’épanouissement des jeunes.

Par conséquent, l’insécurité l’a contrainte à fermer son entreprise et à quitter son domicile. Néanmoins, elle reste attachée à Haïti.

« Je ressens tout le mal de cette terre. Je veux montrer que ce pays que l’on fuit, que l’on a rejeté et abandonné, est pourtant si riche, une terre des terres. Je crois que le moment viendra où Haïti sera à nouveau forte et chérie de ses enfants », affirme-t-elle.

Ainsi, son message à la jeunesse est sans ambiguïté :

« Votre objectif doit dépasser vos limites. Il n’y a pas d’échec pour ceux qui ont un but, seulement des pauses et des ralentissements », encourage-t-elle, invitant chacun à persévérer malgré les embûches.

C’est pourquoi Stéphanie appelle à une implication active des jeunes.

« L’histoire ne retiendra aucune de nos excuses. Nous avons un devoir historique et spirituel envers ce pays pour le libérer. Si vous ne comprenez pas votre place et votre implication, c’est évident que ce futur ne vous appartient pas », prévient-elle.

Enfin, elle plaide pour un changement basé sur la réflexion et l’engagement citoyen.

« On doit faire autre chose, pas avec la dialectique des armes, mais avec l’art de la dialectique », affirme-t-elle.

« On ne demande pas à tout le monde d’être en politique active, mais d’exister pour leur pays. Ne soyez pas inactifs. Prenez des initiatives. Soyez des citoyens engagés. Dire non quand il le faut, exercer la souveraineté populaire, contribuer à sa communauté. Élevez-vous à la hauteur de cette grande nation. C’est là que le changement commencera », conclut-elle.

Par Ashly Alfred © Chokarella

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