Le club de lecture de l’ambassade d’Haïti au Canada a donné carte blanche à Guy Régis Jr, auteur, comédien, dramaturge et metteur en scène, entre autres, dans le cadre d’une lecture autour de son ouvrage intitulé « Les cinq fois où j’ai vu mon père », le jeudi 30 janvier 2025, dans les locaux de l’ambassade à Ottawa. Entre signatures, lecture et échanges, la question de l’absence du père dans la famille haïtienne a été au centre des discussions.
En présence de l’ambassadeur d’Haïti au Canada, Dr Weibert Arthus, des employés et des invités, le dramaturge et metteur en scène Guy Régis Jr a tenu une lecture scénique de son texte Les cinq fois où j’ai vu mon père, le jeudi 30 janvier 2025, dans l’enceinte de l’ambassade située au centre-ville d’Ottawa.
« La cinquième fois où j’ai vu mon père, c’était la dernière fois. Suis-je d’ailleurs si sûr de l’avoir vu cette fois ? Était-ce bien lui que j’avais entrevu au loin ? Tout était si trouble : l’atmosphère, le village, tout le pays était trouble ce jour-là. » Ainsi débuta la lecture avec ces mots, évoquant un souvenir incertain d’une rencontre improbable entre un enfant et son père.
Marqué par l’absence de ce dernier, chaque rencontre apportait une lueur d’espoir qui se métamorphosait rapidement en désenchantement. Malgré cela, Guy Régis Jr n’a pas écrit cet ouvrage pour se venger, mais plutôt pour aplanir les obstacles d’une possible relation entre son père et lui. « Je pense qu’à un certain âge, on veut aplanir les obstacles. Je vois des gens à mon âge, à peu près 50 ou 40 ans, qui sont encore en conflit avec leurs pères ou leurs mères. Cela ne veut pas dire que, s’il y a des choses à leur reprocher, il ne faut pas leur en parler », a-t-il déclaré.
Mais comment habiter l’absence ? Quand on en parle, est-ce pour fuir ce manque ou pour tenter de faire la paix avec ses souvenirs d’enfance ? Le dramaturge ne tourne pas autour du pot et affirme que c’est pour affronter, pour lutter, et non pour fuir ces souvenirs.
« Pas du tout pour fuir, mais plutôt pour l’affronter, parce que mon père est encore vivant. Donc, c’est pour l’affronter, c’est pour avoir des débats sur la figure du père. Je voulais affronter cela pour me poser la question. Si vous lisez le livre, vous verrezque je n’ai rien contre cet homme-là », a-t-il martelé.
La soirée s’est déroulée dans une atmosphère conviviale, entre questions du public et réponses de l’écrivain, entre accords des uns et désaccords des autres, entre souvenirs d’enfance en Haïti et discussions sur l’héritage socio-historique du colonialisme ayant affecté la construction de la famille haïtienne.
Publié chez les éditions Gallimard en 2020, Les cinq fois où j’ai vu mon père est un récit autobiographique à travers lequel Guy Régis Jr retrace ses souvenirs d’enfance marqués par l’absence de son père, sa solitude et son refuge dans la littérature pour combler ce vide.
Lancé depuis le 22 février 2024 à l’ambassade d’Haïti au Canada, le club de lecture se réunit tous les derniers jeudis du mois autour d’un livre ou d’un auteur. La prochaine rencontre, prévue pour le dernier jeudi du mois en cours, marquera son tout premier anniversaire. Cette initiative vise à mettre en lumière les œuvres d’auteurs haïtiens et à permettre aux compatriotes et amis d’Haïti de renforcer leurs liens avec le pays à travers la littérature.
Par Michelet Joseph © Chokarella