Bruno Mourral et Robenson Lauvince discutent du cinéma haïtien avec Carel Pedre

Dans le cadre de la diversification des contenus proposés par Chokarella, Carel Pedre a organisé une table ronde réunissant deux réalisateurs haïtiens en pleine ascension : Bruno Mourral et Robenson Lauvince. Ces derniers, respectivement à la tête des sociétés de production Goupe Muska et Clearshot Entertainment, ont partagé leurs visions et leurs inquiétudes sur l’avenir du cinéma haïtien lors de cette rencontre qui s’est tenue le mardi 28 janvier.

Bruno Mourral, réalisateur du film “Kidnapping Inc.” qui sortira en salle le 7 février, et Robenson Lauvince, dont le film “July 7” fera sa grande première le 1er mars à l’Olympia Theater, ont évoqué les défis de leur métier.

L’angoisse des réalisateurs face aux projections

Bruno Mourral confie que sa plus grande crainte après avoir réalisé un film est un éventuel problème technique lors de la projection. « Je me souviens de l’histoire du réalisateur Quentin Tarantino, qui a vécu un enfer lors de la projection de son premier film Reservoir Dogs. Apparemment, une personne a allumé la lumière en plein milieu du visionnage », raconte-t-il. Cependant, il admet se sentir plus serein lorsqu’une projection a lieu dans une grande salle, où des vérifications techniques sont effectuées en amont.

Pour Robenson Lauvince, le stress est omniprésent. Il avoue ne jamais pouvoir regarder son film lors d’une projection publique. « J’ai toujours voulu savoir comment les spectateurs vont réagir. Si je projette à Miami et que les gens sont satisfaits, je ressens toujours un sentiment de confusion, car cela ne me rassure pas quant à la réaction du public de New York », explique-t-il.

Une réception contrastée selon le public

Bruno Mourral souligne l’importance du retour du public. « J’ai fait plusieurs festivals avec Kidnapping Inc., et je me sens plus à l’aise avec un public haïtien, qui comprend mieux l’histoire que je raconte. Les Haïtiens rient davantage, alors que les étrangers sont souvent plus tendus », observe-t-il. Toutefois, il reconnaît que ces derniers restent très intéressés par son récit.

Les réactions influencent également son travail. Après la deuxième projection de Kidnapping Inc., les critiques, positives comme négatives, l’ont poussé à revoir certaines scènes. « Suite à la lecture de certains articles, je me suis remis en question : qu’est-ce que je n’ai pas fait ? J’ai même tourné deux nouvelles scènes après cette projection », confie-t-il.

Collaboration plutôt que compétition

Bruno Mourral insiste sur l’absence de rivalité entre cinéastes haïtiens. « Il est difficile de comparer deux films, car les histoires et les genres sont différents. Les distinctions dans les festivals ne sont pas une compétition, mais une reconnaissance du travail des réalisateurs », explique-t-il.

Robenson Lauvince abonde dans le même sens. Il affirme avoir observé des similitudes entre Kidnapping Inc. et July 7, bien qu’il n’ait eu aucune idée du film de Mourral avant de tourner le sien. « Selon moi, c’est parce que nous décrivons la même réalité », souligne-t-il. Pour lui, l’émergence d’un véritable marché du cinéma haïtien passe par une meilleure collaboration entre les cinéastes. Il a ainsi entrepris une campagne de promotion de July 7 auprès de professionnels influents du marché cinématographique international, un travail qu’il juge difficile : « Le plus dur, c’est de convaincre qu’il existe un marché en attente de nos contenus. »

D’un autre coté, Bruno Mourral revient sur son parcours dans le domaine publicitaire en Haïti. Il évoque la concurrence saine qui existait entre sa société, Muska, et Graphcity, dirigée par Jean Paul Laraque. « Chaque fois que je réalisais une vidéo publicitaire, Jean Paul cherchait à me surpasser, et vice-versa. Mon premier contrat était de 5 000 dollars, mais avec le temps, j’ai décroché des contrats à 100 000 dollars », raconte-t-il.

Une discussion enrichissante

Carel Pedre a conclu cette rencontre en proposant aux réalisateurs un jeu de questions-réponses. L’échange, riche en enseignements, a permis d’aborder divers aspects de la production cinématographique en Haïti. Parmi les sujets évoqués, l’organisation des tournages dans un contexte difficile, comme l’a souligné Bruno Mourral : « J’avais une équipe composée à 90 % d’Haïtiens avec des chefs de poste français. Leur expérience nous a permis de respecter les délais. »

Concernant les décors, Mourral confie avoir dû renoncer à tourner certaines scènes à Port-au-Prince en raison de l’insécurité. « J’aime cette ville, son architecture, ses bâtiments d’époque, mais la montée des gangs a entravé notre tournage. J’ai finalement trouvé des lieux similaires à Jacmel », explique-t-il. Malheureusement, en revenant dans la capitale, des membres de son équipe ont été enlevés, illustrant une difficulté supplémentaire pour le cinéma haïtien.

Cet échange entre deux figures montantes du cinéma haïtien a permis de mettre en lumière les défis et les ambitions du secteur, tout en soulignant l’importance de la collaboration et du partage d’expériences.

Regardez l’interview complète de Carel Pedre avec Bruno Mourral et Robenson Lauvince sur la chaîne YouTube de Chokarella ci-dessous

Par Youbens Cupidon © Chokarella

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