Nombreux sont les jeunes artistes qui tentent de se projeter sous les feux des projecteurs de l’industrie musicale haïtienne. Certains d’entre eux parviennent à se distinguer par leur talent et leur style. Dans cette catégorie, on trouve Titi Congo, un jeune artiste façonné par l’adversité, qui a choisi de faire de la musique sa thérapie de vie. Récemment, il a sorti son premier album intitulé Nou Djougan, un voyage entre racines et modernité.
Titi Congo, de son vrai nom Dormil Steevens,
est un artiste aux multiples talents qui a su puiser dans les épreuves de la vie pour construire son identité. Orphelin de père et de mère, il a grandi dans une famille de six enfants, où l’altruisme et la générosité étaient des valeurs cardinales, des traits qu’il attribue à son signe astrologique, la Balance.
Son parcours académique s’étend d’écoles catholiques et évangéliques à des études secondaires au lycée, avant de se diriger vers une spécialisation en droit et en marketing digital chez André Laroche. Mais au-delà de ces disciplines, son âme artistique a trouvé refuge dans la couture, les percussions et surtout la musique, qu’il décrit comme « une thérapie de vie, telle une mère assoiffée d’entendre le premier cri de son enfant ».
Guitariste autodidacte, Titi est aussi un amoureux des instruments à percussion comme la batterie et le tambour. Sa carrière musicale a réellement débuté en 2008, lorsqu’il a rejoint la chorale catholique Rayon d’Espoir. Un an plus tard, il a intégré le groupe Nela, sous la direction de Selini Joël et du maestro Ricot André Charles, qui lui ont permis de progresser.
La spiritualité joue un rôle central dans l’œuvre de Titi Congo. La déesse Shiva, omniprésente dans ses récits, est pour lui plus qu’une figure divine : « Elle est ma muse, ma maîtresse et mon sauveur, c’est pourquoi je fais tant son éloge. » Ce lien spirituel transparaît dans ses compositions, notamment dans son album Nou Djougan. D’ailleurs, bien qu’il loue la déesse dans presque chaque chanson de l’album, l’artiste a choisi de lui dédier un titre, le premier de l’opus.
« Nou Djougan », un mélange pour un album au service de la culture haïtienne
Nou Djougan est le résultat d’une fusion entre la musique racine et la musique électronique. Titi a baptisé ce nouveau genre musical « Racitronix ». Avec cet album, il revendique un amour profond pour ses racines. « Cet album est une lutte pour perpétuer la culture haïtienne et refléter la résilience de notre terroir », confie-t-il. En l’absence de soutien financier externe, la création de cet album a représenté un véritable défi : « Cela prouve que Nou Djougan est une victoire pour moi. »
Inspiré par des groupes emblématiques tels que RAM, Boukman Eksperyans et Pawòl Tanbou, cet album se veut un appel à la conscientisation et à l’unité : « C’est Haïti d’abord. Nous devons nous unir, rester fermes et prêts à lutter. »
Chacun des sept titres porte un message profond. Shiva est une ode à cette déesse qui incarne sa muse, tandis que Tchyaka, inspiré par un refrain de mizik lakou, évoque des souvenirs d’enfance. Sisi fusionne des influences mystiques et des sonorités traditionnelles pour transmettre l’énergie de Shiva. Lakay, coécrit avec Bélo et Terly Job, célèbre l’identité haïtienne. Nou Djougan déconstruit les stéréotypes et prône la résilience haïtienne. Lespri Desann aborde la spiritualité vaudou à travers les figures d’Ogou et Dantor, et Tè Mistè rend hommage à la terre et à ses mystères, célébrant la connexion entre l’homme et la nature.
Pour donner vie à Nou Djougan et enrichir son message, Titi Congo a réuni autour de lui des artistes renommés pour des collaborations prestigieuses. On y retrouve notamment Bélo, Réginald Cangé, BIC et Alexa Chérilus, sans oublier l’apport de Kebert Bastien pour le texte de Tè Mistè. Pour l’artiste, ces collaborations ont été une expérience enrichissante : « Chanter avec ces artistes très doués m’a ouvert les portes vers une audience plus large et m’a donné la certitude que mon travail a du sens », affirme-t-il.
Faire de la musique donne un sens à la vie de Titi Congo. En grandissant, il a dû faire d’énormes sacrifices pour arriver là où il est aujourd’hui. Comme conseil pour ses fans et pour ceux qui nourrissent des rêves, il déclare : « Chaque projet est comme une femme en gestation. On ne peut pas forcer un accouchement sans risquer de causer des dégâts considérables. » Par ailleurs, Titi et son staff visent également le compas électronique en collaboration avec des artistes dont ils préfèrent taire les noms pour l’instant.
Par Peterson Dorsainvil © Chokarella