La cinquième édition du festival des idées, “Ench ap li”, a démarré le 27 octobre 2024 à la Bibliothèque municipale de Hinche. Le thème choisi cette année est « Ann kreye atraksyon patrimonyal ann Ayiti » (Créons des attractions patrimoniales en Haïti), une volonté de sensibiliser le public à l’importance de la valorisation du patrimoine national. Cette édition, organisée par le Réseau de l’intelligence appliquée en Haïti (RIAH), se tiendra jusqu’au 8 décembre 2024.
Le Festival des idées : « Ench ap li », soutenu par le RIAH, vise à promouvoir l’éducation, la culture et le patrimoine en Haïti. En tant que bras culturel de l’organisation, le festival met en avant des initiatives qui encouragent la réflexion et l’engagement communautaire, avec un accent particulier sur la préservation des savoirs et des patrimoines locaux. Cette année, l’événement s’articule autour de la création d’attractions patrimoniales, un enjeu crucial pour le développement du tourisme et la transmission des valeurs culturelles haïtiennes.
Selon Juyo Vany Sainvil, responsable de communication du festival, le choix de ce thème s’explique par le manque de politiques structurées pour la mise en valeur du patrimoine en Haïti. “Haïti souffre d’une absence structurelle de politiques adaptées à la mise en valeur de son riche patrimoine, qu’il soit matériel ou immatériel,” explique-t-il. Cette carence empêche une préservation efficace des trésors culturels et historiques du pays, entravant ainsi son potentiel de développement économique et touristique. Les sites historiques, les traditions orales et les savoir-faire locaux restent largement sous-exploités, privant le pays d’une opportunité de renforcer son identité et de transmettre son héritage aux générations futures.
Juyo évoque des exemples de dégradations dues au manque de sensibilisation, comme la grotte Kounoubwa à Camp Perrin, marquée par des graffitis et la destruction de ses formations naturelles. Il mentionne aussi la grotte du Bassin Zim à Hinche, où des pétroglyphes Taïnos sont recouverts de tags contemporains. “Ce cadre tel qu’il est posé valide la situation de tant d’autres grottes et monuments historiques du pays, le cas de Layaille, Fort des Anglais, entre autres,” ajoute-t-il. Cette vision justifie l’importance de réévaluer la relation des Haïtiens avec leur patrimoine, en vue d’une gestion durable et d’un tourisme solidaire.
Le Festival des idées, malgré son ambition, fait face à des défis majeurs, notamment en matière de financement. Juyo confie à Chokarella que “le Festival est véritablement pauvre en ce qui a trait au sponsoring. Les institutions de sponsoring ne répondent pas vraiment à nos attentes.” Cette difficulté financière a poussé l’équipe à chercher des alternatives, comme la vente de maillots pour compenser le manque de fonds. D’autres obstacles incluent la hausse des coûts de transport, l’insécurité croissante et la migration des jeunes, des défis exacerbés par des programmes d’émigration tels que le programme Biden. Néanmoins, le festival persiste et cherche à offrir une alternative positive à la jeunesse, en dépit des difficultés imposées par la situation socio-économique et politique du pays.
Pour encourager la création d’attractions patrimoniales, le festival a prévu une série d’événements tout au long de cette édition. Des conférences en ligne et en présentiel, animées par des experts, exploreront des thèmes liés à la technologie au service du patrimoine, à la préservation en temps de crise et à la gestion des ressources culturelles locales. Un circuit touristique de 500 marches à Cange, des formations sur la gestion du patrimoine, ainsi que des activités communautaires telles que le “Konbit manje tchaka” visent à renforcer la participation des populations locales à la sauvegarde de leur héritage.
Juyo insiste sur l’importance d’impliquer les communautés dans ces initiatives, afin qu’elles se réapproprient les traditions culturelles et en soient fières. “Nous voulons mobiliser les patrimoines, les paysages naturels afin de renforcer la cohésion sociale. Redéfinir le rapport des gens avec le patrimoine est une nécessité,” affirme-t-il. Cette vision s’inscrit dans une approche de développement durable, où l’engagement local est essentiel pour garantir une protection efficace et une valorisation continue du patrimoine haïtien.
L’une des attentes de cette édition est de changer la perception du patrimoine en Haïti, autant pour les locaux que pour les visiteurs internationaux. “Le Réseau de l’Intelligence Appliquée en Haïti (RIAH) à travers ce Festival augmentera la confiance des communautés à l’égard des traditions dont ils sont porteurs,” explique Juyo. L’objectif est de renforcer la fierté des communautés locales et d’encourager une transmission des savoirs aux nouvelles générations. Le festival espère également susciter une prise de conscience chez les décideurs, en vue d’élaborer des outils pédagogiques pour une meilleure compréhension et gestion du patrimoine.
Depuis son lancement en 2020, le Festival des idées cherche à vulgariser les recherches académiques auprès d’un public varié. Selon Juyo, les résultats sont encourageants, avec une participation accrue de la société civile, en particulier des jeunes. “Les jeunes écoliers et écolières manifestent un intérêt soutenu pour nos activités,” dit-il. Ce public contribue activement aux discussions et aux échanges, apportant une dynamique nouvelle aux initiatives patrimoniales.
Pour susciter l’intérêt des jeunes, le festival propose des activités diversifiées : ateliers de lecture et d’écriture, concours de textes, formations en gestion événementielle, conférences-débats, visites guidées, et expositions de livres. “Nos champs d’action s’articulent autour d’un éventail varié d’activités visant à enrichir l’expérience culturelle et éducative des participants,” précise Juyo. Ces efforts s’inscrivent dans une volonté de faire du patrimoine un vecteur de développement intellectuel et communautaire.
Le festival des idées “Ench ap li” continue ainsi de tisser des liens entre la tradition et la modernité, en mettant en lumière l’importance du patrimoine dans la construction de l’identité nationale haïtienne.
Par Ravensley Boisrond, éditeur en chef de Chokarella