La projection du film documentaire “Kiyès ki responsab ?” s’est tenue le lundi 18 novembre 2024 à Pétion-Ville, dans les locaux de l’ancienne Bibliothèque Michèle Tardieu, en présence de nombreuses personnalités de renom, telles que le chanteur Lionel Benjamin et son épouse Roseline Benjamin, le nouvel ambassadeur de France en Haïti, Antoine Michon, ainsi que l’ambassadeur de Taïwan en Haïti.
Produit dans le cadre du programme de formation de “Cinéma Nous”, ce documentaire propose un regard inédit sur les réalités haïtiennes, à travers les témoignages des participants de sa troisième édition, tout en questionnant les responsables de la crise qui frappe le pays.
« Kiyès ki responsab ? fait partie de la troisième édition du programme de développement de formation et de production de films documentaires. J’ai été sélectionnée pour participer à ce programme cette année. Pendant un mois, j’ai appris les différentes ficelles du métier de cinéma documentaire. J’ai travaillé à la réalisation du film, mais aussi au montage de ce projet. J’ai appris à faire fonctionner une équipe, à me coordonner, et à tenir le projet à bout de bras malgré les nombreux défis, notamment ceux liés à la situation en Haïti », explique Angy Desravines, l’une des réalisatrices, dans un entretien avec Chokarella. Pour elle, l’expérience a été marquée par les défis logistiques et techniques, nécessitant une adaptation rapide face aux contraintes du terrain.
John Wilson Felix, producteur du documentaire et également participant du programme, évoque les défis majeurs rencontrés lors de la production, notamment ceux liés à l’insécurité dans certaines zones du pays. « Travailler sur un sujet pareil, c’était avant tout un défi, tant sur le plan de la coordination interne qu’externe, sans oublier la gestion sur le terrain », confie-t-il, en décrivant les complications liées aux déplacements et à la sécurité des lieux de tournage.
L’équipe de Cinéma Nous a insisté sur l’importance d’une conscience citoyenne pour redonner à Haïti la dignité qu’elle mérite, comme le souligne John Wilson Felix : « En mettant en avant la résilience des victimes et des communautés, nous espérons inspirer un espoir pour un avenir meilleur. » Pour recueillir les témoignages sensibles, l’équipe a dû faire preuve de prudence, en particulier pour protéger les victimes. « La sensibilité des sujets abordés a exigé une prudence particulière pour éviter les risques pour l’équipe. La sécurité était un défi majeur, surtout dans les zones affectées par l’insécurité », précise Wilson. Pour assurer la confidentialité, les visages ont été floutés et les voix modifiées.
Les témoignages ont été recueillis en collaboration avec des experts, tels que la psychologue Roseline Benjamin, qui a encadré les aspects émotionnels des entretiens. Angy Desravines précise : « Nous avons pris des précautions pour offrir un environnement sécurisé et respectueux aux témoins. Avec l’aide de psychologues, nous avons établi un cadre d’écoute attentive, en leur assurant un anonymat total. » Cette approche a permis de créer un climat de confiance, facilitant des échanges sincères avec les témoins, avant de procéder aux enregistrements dans des lieux soigneusement choisis.
Pour Angy, la dimension humaine du projet est essentielle. « Nous avons rencontré des femmes victimes de violence, des jeunes marginalisés, des personnes ayant vécu des injustices profondes », raconte-t-elle. « Ce qui m’a le plus marquée, c’est de constater que bon nombre de ces violences sont perpétrées par des Haïtiens eux-mêmes, des frères contre leurs propres frères. C’est un constat dur, mais nécessaire pour comprendre l’ampleur de la tâche qui nous attend pour reconstruire le tissu social. »
En dépit de contraintes budgétaires importantes, l’équipe a su faire preuve d’ingéniosité pour mener le projet à bien. John Wilson Felix confie que le manque de ressources financières a pesé sur la production, mais a également stimulé la créativité. « Cela nous a obligés à chercher des alternatives, à maximiser chaque outil à notre disposition », explique-t-il. Malgré les obstacles, la passion pour le documentaire et la volonté de faire bouger les lignes ont permis d’aboutir à ce projet. « La production de Kiyès ki responsab ? nous a appris l’importance de l’écoute et de la préparation minutieuse. Ces leçons seront précieuses pour la suite », déclare Angy, visiblement déterminée à poursuivre sur cette voie.
Avec cette troisième édition, Cinéma Nous envisage déjà de nouvelles formations, visant à former davantage de jeunes réalisateurs haïtiens, désireux de porter un regard authentique sur leur pays. « Le cinéma documentaire peut être un vecteur puissant pour le changement. Il permet non seulement d’informer, mais aussi de sensibiliser et de mobiliser autour des problématiques essentielles d’Haïti », conclut John Wilson Felix, espérant que ce film saura éveiller les consciences et encourager des initiatives positives.
À travers les voix recueillies dans Kiyès ki responsab ?, le documentaire se veut un appel à la solidarité et à la responsabilité collective, pour ne pas laisser dans l’ombre ceux qui souffrent en silence, et pour bâtir ensemble un avenir plus juste et solidaire pour Haïti.
Synopsis du film documentaire “Kiyès Ki Responsab ?”
Haïti, une nation forgée par la résilience de son peuple, est aujourd’hui plongée dans un tourbillon de violence, d’insécurité, et de souffrances. Dans ce documentaire poignant, nous explorons les réalités douloureuses vécues par des individus et des familles qui, chaque jour, luttent pour survivre dans un pays en proie à des crises incessantes.
À travers des témoignages intimes et déchirants, “Kiyès Ki Responsab” dresse le portrait de victimes de l’insécurité, du viol, et de la violence omniprésente en Haïti. Ces histoires, aussi diverses que tragiques, révèlent les visages de la souffrance, mais aussi de la résistance et de l’espoir. Le film offre également une perspective inattendue en donnant la parole à certains de ceux que l’on qualifie de “bandits,” les présentant aussi comme des victimes d’un système défaillant et leur offrant l’opportunité de proposer des solutions pour un avenir meilleur.
Ce documentaire interroge les responsabilités des différents acteurs, des dirigeants politiques aux citoyens, dans cette dégradation sociale. Il propose aussi des pistes de réflexion pour un changement profond et durable, invitant à une prise de conscience collective pour reconstruire Haïti avec solidarité et harmonie. À travers cette quête de responsabilité, le film plaide pour une société où la paix, la justice, et le respect des droits de l’homme deviennent des réalités tangibles
Par Ravensley Boisrond, éditeur en chef de Chokarella