Née à Jacmel le 25 février 1999, Roudeline Labbé, plus connue sous le nom de Winnie, est aujourd’hui une figure montante de la musique en Haïti. Chanteuse et diplômée en sciences juridiques, elle trace son chemin avec détermination dans un secteur où elle a dû surmonter des obstacles depuis son plus jeune âge.
Arrivée à Port-au-Prince à l’âge de 5 ans, Winnie a été élevée par une tante. Issue d’une famille de sept enfants, elle a grandi dans un cadre qu’elle décrit comme difficile, marqué par le manque d’affection familiale : “Je n’ai pas eu une enfance facile. Je n’avais pas trop d’avantages. Souvent, les tantes ne sont pas aussi dociles. Pour moi, ce n’était pas trop bon, car j’étais privée de l’amour de mes parents, sans personne pour appeler papa ou maman. Mais, en quelque sorte, tout ce que j’ai vécu durant mon enfance m’a beaucoup mûrie.”
Depuis toujours attirée par la musique, Winnie se heurtait pourtant à la désapprobation de sa tante, qui craignait que cette passion ne la détourne de ses valeurs. “J’ai toujours aimé la musique, c’était mon rêve de pouvoir chanter sur scène, mais je n’avais pas eu d’encouragements. Ma tante me disait toujours qu’elle ne voulait pas d’artistes chez elle. Je me cachais tout le temps pour chanter. En faisant le ménage, j’avais l’habitude de tenir une serpillière comme micro,” confie-t-elle lors d’une interview avec Chokarella.
Malgré les difficultés, elle garde l’espoir de poursuivre son rêve. Dès l’âge de 14 ans, sa passion s’intensifie lorsqu’elle rencontre un jeune guitariste dans son quartier. Un jour, alors qu’elle chante, il remarque son talent et l’invite à s’exercer avec lui, marquant un tournant dans son parcours.
Le décès de sa mère en 2013 est un événement marquant pour Winnie, qui trouve dans la musique une forme de résilience. Elle commence à chanter dans des cérémonies scolaires et prend peu à peu confiance en elle, au point d’envisager sérieusement une carrière artistique.
En 2018, malgré son engagement dans la musique, Winnie poursuit ses études et obtient un diplôme en droit. La perte de son père en 2021 la touche profondément, mais elle persévère et rejoint le label Evazyon Mizik, où elle travaille sur sa voix et son style. Cette collaboration lui permet de participer à l’album collectif Let the Story Begin et de collaborer avec des artistes comme Opak, Ken FS et Jo J.
Même avec son diplôme en droit, Winnie choisit de se consacrer pleinement à la musique. “Malheureusement, je ne travaille pas dans le domaine juridique ; je suis plus focalisée sur la musique. J’espère y travailler, mais plutôt quand je parviendrai à être exactement là où je veux être dans le monde musical,” explique-t-elle.
En 2024, Winnie franchit une nouvelle étape en intégrant le label SafeLab et en lançant son premier EP, Rezilyans, le 15 septembre. Cet opus de 18 minutes contient cinq titres : Remò, Kriye, Bon Konba, Tann Solèy la, et Win, auxquels s’ajoutent quatre vidéos : Di Mwen, Manman Oh, Vin Ede M, et une collaboration avec Opak.
Winnie confie que chaque étape de sa vie nourrit son inspiration. Elle se décrit comme naïve, courageuse et sensible, et tire parti des expériences difficiles qu’elle a surmontées pour enrichir son art.
Parmi ses inspirations, l’artiste haïtienne Rutshelle Guillaume occupe une place spéciale. “Si je devais être une autre personne en une journée, ce serait Rutshelle. J’aime son parcours, elle est bien éduquée et elle sait ce qu’elle fait dans le domaine où elle évolue,” déclare-t-elle.
Profondément attachée à son pays, Winnie s’engage dans des initiatives pour aider les jeunes en difficulté. Elle travaille aux côtés de son frère Luckson pour offrir un avenir meilleur aux enfants en situation de rue, notamment en leur fournissant un logement.
“Tout d’abord, je dois trouver le moyen qu’ils ne soient plus exposés dans les rues. Les nourrir alors qu’ils sont toujours dans les rues, ce n’est pas ça du tout. Du coup, je peux dire que ce serait un suivi avec l’initiative de mon frère Luckson. Parce qu’à lui seul, il ne pourra pas vraiment. Je pense que ça aidera le pays à diminuer la délinquance juvénile.”
Passionnée par son activité, Winnie passe la plupart de son temps entre les quatre murs de sa chambre ou en studio, où elle s’entoure de musique et travaille son art avec dévotion.
Par Gerole Midy © Chokarella