Si l’on vous parle de cerfs-volants, de poissons séchés, en sauce ou boucanés, de bandes à pied, de processions et de services liturgiques, votre esprit les associe immédiatement à la saison pascale, fête religieuse et chrétienne, mais aussi congé, retrouvailles et son lot de traditions.
La Semaine Sainte, célébrée un peu partout dans le monde, est l’occasion pour les chrétiens de mettre en avant les fondements de leur foi, à savoir la mort et la résurrection du Christ. Elle est commémorée en même temps que la Pâque juive et se situe entre le 25 mars et le 25 avril de chaque année. Cependant, pour les Haïtiens, il s’agit surtout d’un congé accompagné d’un ensemble d’activités qui sont devenues des traditions au fil du temps. Parmi ces traditions, on peut citer la consommation de poisson le vendredi saint, le chemin de croix chez les catholiques, les pèlerinages chez les vaudouisants, les croisades et autres spectacles évangéliques chez les protestants, ainsi que la montée des « kap » qui envahissent le ciel un peu partout dans le pays.
Milo, 10 ans, vit à Petit-Gôave. Il est à peine 6h et déjà debout, son cerf-volant en main, il prend la direction de la mer là où il est sûr de trouver une brise pour porter son jouet loin dans le ciel et rejoindre des camarades partageant le même objectif. Des milliers d’enfants sur le territoire vivent une situation similaire, où la création de ces engins volants peut être faite maison ou fabriquée par un artisan spécialiste. Dans le processus de fabrication, il faut des matériaux spécifiques tels que des tiges de bois, du fil ou de la corde, du papier fin ou du plastique pour recouvrir le tout, et parfois des morceaux de rasoir pour parer les attaques des autres enfants qui cherchent à dominer le ciel.
D’année en année, le quotidien des Haïtiens devient de plus en plus difficile avec l’instabilité politique et le climat d’insécurité qui se concrétisent par des enlèvements incessants contre rançons et des assassinats de tout genre. Il est donc de plus en plus difficile de respecter les gestes traditionnels et fédérateurs qui semblaient s’inscrire dans un contexte socio-culturel et religieux. Maintenant, place à la nostalgie pour Ginoue, qui, du haut de ses 54 ans, déplore non pas la disparition totale des traditions en cette période spéciale, mais plutôt le départ forcé ou volontaire de ses proches, ainsi que l’indifférence de l’État face aux situations alarmantes qui gangrènent le territoire.
Nous voilà au dernier jour des festivités, le dimanche de Pâques, où habituellement les gens se rendent à l’église vêtus de leurs plus beaux habits. Le riz et le poulet “peyi” composent principalement les plats qui vont être servis ce jour-là. Sans oublier les films, considérés comme de véritables classiques depuis le début de cette fête, on y retrouve en tête La Passion du Christ, Les Dix Commandements ou encore Ben-Hur, avec l’acteur hollywoodien Charlton Heston dans le rôle principal pour ces derniers. S’il est vrai que les cerfs-volants (kap) se font de plus en plus rares dans le ciel et que la situation sécuritaire déplorable du pays est décourageante, on relève çà et là des actes de résistance comme celui de Milo, qui se lève aux aurores pour reproduire un geste que tant d’autres ont accompli avant lui : faire voler un cerf-volant.
Widenie Bruno